COMPTE-RENDU
Balade « le Cirque de St-Même »
Cette première balade des Retours aux Sources nous a fait découvrir ou re-découvrir le Cirque de St-Même dans un écrin automnal chatoyant.
La balade a fait venir presque une trentaine de personnes de toute la Chartreuse, et même d’au-delà. Parmi les communes représentées, nous avons eu : La Motte-Servolex, St-Pierre-de-Chartreuse, Entremont-le-Vieux, St-Egreve, Miribel-les-Echelles, Voiron, Les Echelles, Chapareillan, St-Christophe-la-Grotte, Chambéry, Bourgoin-Jallieu, St-Pierre-d’Entremont, St-Laurent-du-Pont, St-Joseph-de-Rivière, et enfin Voreppe.
Comme quoi la Chartreuse est source de beaucoup d’intérêt, et les thématiques abordées lors de la balade n’y sont sans doute pas étrangères. Nous avons pu aborder très largement la sécheresse très importante de l’été 2022 et ses effets sur la Chartreuse et le Guiers Vif.
Nous avions pour cela la chance d’avoir 3 intervenants de qualité :
– Aurélien Villard, Technicien de rivière au SIAGA
– Fabien Hobléa, Maître de Conférences au laboratoire Edytem, Université Savoie Mont Blanc.
– Lionel Favier, chargé de mission des Amis du Parc dans l’organisation des balades Retour aux Sources, et médiateur du changement climatique.
Ci-dessous vous trouverez une description plus détaillée de cette belle journée.
Le contexte du changement climatique
Depuis les débuts de la révolution industrielle, l’espèce humaine rejette des gaz à effet de serre en abondance dans l’atmosphère. Sans l’effet de serre, la température à la surface de la Terre serait bien plus basse (environ 33°C de moins en moyenne) et la vie telle que nous la connaissons aujourd’hui n’existerait pas. Depuis un peu plus de 10 000 ans, une température stable a permis le développement de l’espèce humaine, mais les activités humaines ont rompu ce bel équilibre depuis la révolution industrielle vers la fin du 18e siècle.
Le fait que les activités humaines perturbent le climat à l’échelle mondiale n’est pas toujours très bien compris par le grand public. Afin de se mettre d’accord sur le constat, Lionel Favier avec l’aide de Fabien Hobléa ont mis en place un débat mouvant au début de la balade. Des affirmations du type « Pour lutter contre le réchauffement climatique, il faut manger de la nourriture biologique » sont soumises au débat. On peut être d’accord ou pas. L’objectif de cet exercice est de permettre au public de s’exprimer, mais aussi de « briser la glace » en prévision du reste de la balade, raison pour laquelle l’exercice a été proposé au début de l’après midi.
L’élévation de température à la surface de la Terre par les activités humaines est d’environ 1.2 °C. L’importance de cette valeur n’est pas toujours bien comprise et parfois confondue avec les changements de température liés à la météo, alors que le sujet est bien le climat. Afin que le public réalise l’ampleur de cette augmentation de température à l’échelle mondiale, Lionel Favier prend l’exemple de la différence de température avec la dernière glaciation il y a 20 000 ans. Elle était de 5 °C inférieure et le paysage en était profondément différent. Un glacier de près de 2000 m d’épaisseur descendait la vallée du Grésivaudan. D’ici à la fin du siècle, il se pourrait bien que 5 °C soit l’augmentation de température. Tandis que l’augmentation de température liée à la dernière déglaciation s’est produite en 10 000 ans, la même augmentation de température pourrait donc se produite en 200 ans.
Le Guiers Vif et effets de la sécheresse estivale
Dans le massif de la Chartreuse, le réchauffement climatique d’origine anthropique a fait monter la température d’environ 2 °C. Sur cette tendance de fond se greffe une variabilité naturelle qui fait que certaines années peuvent même être encore plus chaude. L’année 2022 est à présent reconnue comme la plus chaude jamais observée en France. Cette année s’est accompagnée d’une série de canicules au cours de l’été ainsi que d’une sécheresse exceptionnelle qui règne depuis le printemps.
Aurélien Villard, technicien de rivère au SIAGA, nous montre mesures à l’appui le déficit hydrique très conséquent du Guiers Vif. En temps normal, la moyenne sur les quarante dernières années du débit de la rivière mesuré à St-Christophe-sur-Guiers au mois d’août est d’environ 1.91 m³/s. Cette année, il était de 0.542 m³/s, environ 4 fois moins. Le débit annuel moyen est quant à lui de 4.76 m³/s, tandis que cette année, il a été de 2.52 m³/s (calcul arrêté au 30 novembre).
D’après Aurélien Villard, il y avait tellement peu d’eau que des habitant·es ont même organisé des opérations de sauvetage de truites, piégées par le manque d’eau au niveau de la clairière de St-Même.
Ce type d’épisodes de sécheresse est par ailleurs accentué par la diminution de la couverture de neige en hiver. Aurélien Villard nous montre, graphique à l’appui, que l’épaisseur de neige moyenne au Col de Porte, à 1300 m d’altitude en Chartreuse, à diminué d’environ 40 % depuis 50 ans. À l’avenir, non seulement les épisodes de sécheresse seront plus nombreux, mais il y aura également un décalage des apports en eau lié à la fonte des neiges.
Le réseau karstique, les origines du Guiers Vif
Au sein des hauts plateaux de Chartreuse, il existe un réseau souterrain de galeries formées par l’action érosive de l’eau sur les roches calcaires. Ce réseau karstique y forme environ 250 km de galeries explorées. Le Guiers Vif est issu de l’accumulation des eaux de pluies dans ces réseaux, entre la partie Est des Lances de Malissard et l’Alpette, et leur résurgence dans le fameux Cirque de St-Même.
L’année 2022 a été exceptionnellement chaude, sèche et ensoleillée. Le massif de la
Chartreuse n’a pas été épargné et des restrictions d’eau ont été mises en place, atteignant le niveau maximum de 4 sur 4. La conséquence a été l’assèchement de la réserve d’eau constituée par le réseau karstique en amont de la source du Guiers Vif. Fabien Hobléa, maître de conférence à l’Université Savoie Mont Blanc compare ce réseau à une éponge. L’assèchement de celle-ci affecte la capacité tampon du réseau. La conséquence est non seulement un assèchement des hauts plateaux mais également une baisse du niveau d’eau de la rivière après la source.
Ce réseau karstique accueille également des glaciers un peu particuliers, comme celui qui est présent dans le gouffre du grand glacier de Chartreuse à proximité de l’Alpette de Chapareillan. D’après Fabien Hobléa, la glace de ces glaciers daterait non pas de la dernière période glaciaire, il y 20 000 ans, mais plutôt du « Petit Âge de Glace », cette période qui a suivi le Moyen-Âge et pendant laquelle les températures en Europe étaient plus basses qu’aujourd’hui. Malheureusement, cette glace subit le réchauffement climatique. Son niveau, régulièrement mesuré depuis 2014 avec l’aide du Spéléo-club de Savoie, perd environ 20 cm par an.
Les glaciers de montagne ont un rôle très important au cours des sécheresses estivales en assurant un approvisionnement en eau pour les rivières. Il se pourrait bien que ces glaciaires de karst aient le même rôle dans des massifs de basse altitude comme la Chartreuse, mais d’après Fabien Hobléa, la quantité de glace présente dans ces réseaux karstiques est extrêmement méconnue, ce qui empêche toute analyse de son rôle dans le débit estival des rivières. Dans les années futures, il se pourrait bien que cette ressource potentielle en eau soit perdu avant de le savoir.
Quelques ressources sur le Web
– Épaisseurs de neige au col de porte : https://www.ecologie.gouv.fr/impacts-du-
changement-climatique-montagne-et-glaciers
– Suivi du grand glacier de Chartreuse : https://www.parc-chartreuse.net/reserve-naturelle/suivi-grand-glacier-chartreuse/
– Page wikipedia sur le guiers vif : https://fr.wikipedia.org/wiki/Guiers_Vif
– Débits passés du Guiers Vif : https://www.hydro.eaufrance.fr/sitehydro/V1515010
– La chartreuse et les glaciations : https://www.parc-chartreuse.net/decouvrir-la-
chartreuse/la-geologie-de-chartreuse-a-travers-le-mosasaure/40-000-ans-ere-
quaternaire-wurm/
– Basin karstique du Guiers Vif : http://www.guiers-siaga.fr/le-bassin-versant/carte-
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